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Billet de blog 13 janvier 2016

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Vichy, la parenthèse, les indésirables (16)

Je n'avais plus envie de publier cette histoire ici par peur de l'incompréhension, par pudeur aussi et parce qu'il m'aurait fallu poursuivre cette histoire de mes parents au-delà de l'année 1940, travail difficile et douloureux. Ces derniers temps je crois que cela peut contribuer au débat sur la déchéance de nationalité...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Datée du 8 novembre une lettre est arrivée à la maison. Elle émanait de la préfecture et elle était accompagnée du décret du 28 octobre 1940 précisant « les conditions dans lesquelles les demandes de dérogation prévue à l’article deux de la loi du 16 août 1940 sur l’exercice de la médecine devront être adressés à Monsieur le Ministre, Secrétaire d’État à l’Intérieur. ».

Elle a été suivie d’une autre datée du 16 novembre 1940, un samedi. Elle émanait du Ministère de l’Intérieur à Vichy. Elle habilitait mon père à exercer sa profession jusqu’à ce que la décision de la commission chargée de statuer sur sa requête lui soit notifiée. C’était une lettre porteuse d’une bonne nouvelle !


MINISTERE de l'INTERIEUR

ÉTAT FRANÇAIS

Secrétariat Général à la
Famille et à la santé

5ème Bureau

VICHY, le 16 novembre 1940

Monsieur,

J'ai l'honneur de vous accuser réception de votre demande d'autorisation d'exercer la médecine en application de l'article deux de la loi du 16 août 1940.

Le présent récépissé vous habilite, sous réserve des dispositions réglementaires concernant la création de cabinets médicaux dentaires ou d'officine pharmaceutique, à exercer votre profession jusqu'à ce que la décision de la commission chargée de statuer sur votre requête vous soit notifiée.

Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.

Pour le Ministre :

Pour le secrétaire général,

signé : de Beaumont

Monsieur le Docteur Elman à Bourganeuf (Creuse)


Le répit a été de courte durée puisque le préfet de la Creuse faisait savoir à mon père par lettre datée du 11 décembre qu’il devait cesser l’exercice de sa profession « jusqu’à nouvel avis éventuel ».


Préfecture de la Creuse

 Inspection Départementale
d’Hygiène

 République Française

Liberté. – Egalité. – Fraternité.


Guéret, le 11 Décembre 1940

Le Préfet du département de la Creuse

à Monsieur le Docteur Elman à Bourganeuf,

J’ai l’honneur de vous informer que l’autorisation provisoire d’exercer la médecine qui vous avait été accordée par Monsieur le Ministre Secrétaire d’État à l’intérieur a été annulée par décision ministérielle du 5 décembre 1940.

 Vous devez en conséquence, cesser l’exercice de votre profession à dater de la réception de la présente lettre et jusqu’à nouvel avis éventuel.

 Veuillez agréer, Monsieur le Docteur, l’assurance de mes sentiments les plus distingués.

 Le préfet,

Jean Cabouat


Il y a quelque chose d’ironique dans l’en-tête du courrier envoyé par la préfecture : la devise « Liberté – Egalité – Fraternité » figure sous la mention République Française. S’agissait-il de manifester un quelconque esprit de Résistance ou bien, plus prosaïquement d’utiliser un papier à en-tête datant de la République ? Hélas trop de faits laissent penser qu’il s’agissait d’économiser le papier.

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