Le 17 mars 2017, soit le lendemain de la décision du Conseil constitutionnel remodelant le régime applicable au renouvellement des assignations à résidence au long cours de l’état d’urgence, le Conseil d’Etat a précisé ce qu’étaient les « éléments nouveaux ou complémentaires » de nature à justifier la prolongation pour trois mois d’une assignation à résidence de plus de douze mois.
Les quelque 5 000 perquisitions effectuées au nom de l’état d’urgence ont occasionné beaucoup de dégâts matériels et moraux, et donné des résultats peu probants. Pourtant, on ne dénombre qu’une centaine de recours engagés devant le juge administratif. Ce faible taux de recours tient-il à ce que le contrôle exercé par le juge administratif n’est pas suffisamment effectif ?
Par sa décision n° 2017-624 QPC du 16 mars 2017, le Conseil constitutionnel a renforcé les garanties des assignés au long cours de l’état d’urgence, tout en veillant à préserver la faculté du ministre de l’Intérieur de renouveler ces assignations tant que dure l’état d’urgence.
Le Garde des Sceaux a tenu à faire savoir que toutes les conditions pour une « sortie » de l’état d’urgence étaient réunies. Mais alors, pourquoi avoir fait voter la loi du 19 décembre 2016 prorogeant l’état d’urgence jusqu’au 15 juillet 2017 ?
Le Conseil d’Etat a prévu d’audiencer vendredi 17 mars 2017 une quinzaine de demandes du ministre de l’Intérieur tendant à ce qu’il soit autorisé à prolonger pour trois mois des assignations à résidence de plus de douze mois. A moins que, la veille, le Conseil constitutionnel n’invalide cette procédure inédite d’autorisation...
Le Conseil constitutionnel est appelé à se prononcer sur la constitutionnalité de l’article 2 de la loi du 19 décembre 2016 prorogeant l’état d’urgence pour la 5ème fois, article relatif au renouvellement pour 90 jours des assignations à résidence ayant déjà une durée cumulée supérieure à un an. Au cas d'espèce cependant, le Conseil d’Etat refuse de suspendre l’assignation en cause.
L’état d’urgence est un bon laboratoire du phénomène de « post-vérité » où, afin d’accréditer dans l’opinion le sentiment d’efficacité de leurs actions, les autorités publiques tiennent des discours qui ne correspondent pas à la réalité des faits. Exemple avec une question de procédure contentieuse : le délai de 48 h dans lequel le juge administratif du référé-liberté est censé statuer.
La loi du 19 décembre 2016 prorogeant l’état d’urgence jusqu’au 15 juillet 2017 ne remédie pas à l’inconstitutionnalité de la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence relevée par le Conseil constitutionnel quelques jours plus tôt, le 2 décembre 2016, à propos des copies de certaines données informatiques. Comment expliquer cette carence ?
Tout en votant à une très large majorité la prorogation de l’état d’urgence jusqu’au 15 juillet 2017, l’Assemblée nationale a aménagé les modalités de renouvellement des assignations à résidence des personnes assignées pendant plus de douze mois. De manière satisfaisante ?
Par Paul Cassia
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Après l’avis favorable du Conseil d’Etat donné deux jours avant son adoption en Conseil des ministres, le projet de loi du 10 décembre 2016 prorogeant l’état d’urgence pour la cinquième fois, jusqu’au 15 juillet 2017, sera examiné par l’Assemblée nationale le 13 décembre 2016… à 21h30 !