« Nous voulons des livres, des films qui agissent sur nous comme des corps, mille fois mieux que des corps, comme des corps vivants. » (Alban Lefranc)
« Plus on s'affronte à une construction1
…
littéraire, plus on peut déplacer les perceptions courantes, les manières de voir, et plus les conséquences sont politiques. » (Édouard Louis, à propos d'En finir avec Eddy Bellegueule)
« Je ne sais pas ce que c'est un livre. Personne ne le sait. Mais on sait quand il y en a un. » (Marguerite Duras)
Toute relecture d’un grand texte est redécouverte, nouvelle interprétation. Ainsi avec Les Pensées de Pascal ou avec la Recherche du temps perdu de Proust. Ainsi avec certains ouvrages de Pierre Bourdieu, comme ceux que commentent dans le récent L’Insoumission en héritage six spécialistes d’une œuvre dont ils s’efforcent de faire apercevoir des aspects inédits.
« Il ne suffit pas, pour s’instruire, de courir les pays, il faut savoir voyager ». C’est par cette maxime de Rousseau que pourrait débuter l’extraordinaire Panorama du voyage (1780-1920) que signe Sylvain Venayre. L’ouvrage décline toutes les formes du voyage au XIXe siècle depuis les plus anciennes — le voyage d’éducation, le pèlerinage — jusqu’aux plus modernes : le commerce, le reportage, l’exploration, la cure et évidemment le tourisme.
Le premier livre d’Anthony Poiraudeau, Projet El Pocero, s’ouvre sous le signe d’un rêve géographique, urbain et lexical où surgit l’image de la ville d’Aranjuez que le rêveur n’a jamais vue mais dont il est certain qu’elle correspond à celle nommée Aranjuez : « Comme si, connaissant un mot sans en savoir le sens et rencontrant pour la première fois l’objet qu’il désigne, l’évidence s’imposait de faire de l’un le signe de l’autre ».
Bernadette a disparu est le second roman de Maria Semple, le premier traduit en français. Un texte inclassable, puzzle de documents divers : lettres, mails, articles de journaux, fax et autres recensions Internet que Bee rassemble pour tenter de percer le mystère de sa mère soudainement disparue, « l’insaisissable Bernadette Fox ». « Peu importe ce que les gens disent sur elle aujourd’hui, elle savait vraiment rendre la vie amusante ».
On a parfois dit ou laissé entendre que Bernard Lahire, un des sociologues qui comptent d’aujourd’hui, affaiblissait la théorie bourdieusienne de l’habitus en mettant l’accent sur « la culture des individus » et en pratiquant une sociologie des singularités (voir son Kafka) presque contradictoire dans les termes. Dans l’ouvrage qu’il vient de publier, Lahire met fort à propos les choses au point et définit avec netteté sa position et sa démarche, montrant en quoi celles-ci s’inscrivent dans la ligne de Bourdieu mais sans allégeance rigide.
« C’était dans une autre vie… », « c’est à Rome, il y a vingt ans, et c’est maintenant » : Peut-on vraiment couper avec son passé, tourner la page, oublier ce qui fut pour devenir ?
Et puis ça fait bête d’être triste en maillot de bain : drôle de titre qui installe d’emblée dans une voix particulière, intime et urgente, aussi douce qu’elle peut être cinglante, aussi personnelle que sociale, voire politique.
La bohème ? C’est une chanson de Charles Aznavour, nous dira-t-on peut-être spontanément. Justement d’où vient cette vision très mythifiée (vingt ans, Montmartre, le ventre vide, les nuits blanches passées à esquisser la ligne d’un sein) de la vie d’artiste ?
Le 21 mars dernier, la BNF a mis en ligne sur ReLIRE (le Registre des Livres Indisponibles en Réédition Électronique) « une première liste de 60 000 livres indisponibles du XXe siècle : des livres sous droits d'auteur, publiés en France avant le 1er janvier 2001, et qui ne sont plus commercialisés ». Entretien avec Benoît Peeters qui appelle à la mobilisation des auteurs contre « l’État voleur » (François Bon).