« Nous voulons des livres, des films qui agissent sur nous comme des corps, mille fois mieux que des corps, comme des corps vivants. » (Alban Lefranc)
« Plus on s'affronte à une construction1
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littéraire, plus on peut déplacer les perceptions courantes, les manières de voir, et plus les conséquences sont politiques. » (Édouard Louis, à propos d'En finir avec Eddy Bellegueule)
« Je ne sais pas ce que c'est un livre. Personne ne le sait. Mais on sait quand il y en a un. » (Marguerite Duras)
Les écrivains américains parlent souvent de la fiction comme d’un « what if ». Il est plus complexe d’user de l’expression en français, le « et si » semblant désormais ouvrir aux titres creux d’un Marc Levy (et si… c’était vrai, à refaire, ad lib.). Pourtant Un concours de circonstances d'Amy Waldman est tout entier dans ce « what if ». Et si un musulman avait remporté le concours d’architecture du mémorial aux victimes du 11 septembre ? Et si c’était lui ?
Il est des titres, si pleins dans leur évidence, qu’ils sont en eux-mêmes une invitation impérieuse à ouvrir un livre. A défaut d’Amérique est de ceux-là, ouvrant une brèche — celle du manque, de la Sehnsucht — que la fiction vient tendre et tisser.
Écrivain en vue, écrivain que nous aimons, Jean-Philippe Toussaint raconte dans L’Urgence et la Patience, son plus récent livre, comment il en est venu à la littérature, quels furent ses débuts, et cela se lit comme un roman. C’est que l’auteur de La Vérité sur Marie place tout au long son itinéraire sous le signe de quelques beaux hasards et de ce que l’on peut appeler un destin.
Dans un entretien pour Mediapart, Justin Torres évoque son admiration pour Stuart Dybek, un auteur dont il regrette qu’il ne soit pas plus connu en France. L’occasion rêvée d’évoquer l’œuvre de cet écrivain, né à Chicago en 1942, dans une famille d’origine polonaise.
Le titre du dernier livre de Maryline Desbiolles évoque, irrésistiblement, d’autres rubans. La Route de Cormac McCarthy, Sur la route de Kerouac. Nul univers post apocalyptique, nulle beat generation mais cette attention minutieuse, acérée aux objets et aux choses qui trame son univers romanesque.
Guantanamo est le titre du livre, mais aucune description n’est faite du camp d’internement américain. Les rares informations sont données par bribes, au cours des interrogatoires qui composent le texte. Sont nommés des régions (Ouzbékistan, Tadjikistan, Afghanistan), des personnes (S., D., Karzaï, le frère, la mère), des faits
Carlo Ginzburg rapprochait naguère le romancier Conan Doyle de Sigmund Freud, au nom d’un intérêt commun pour ces actes manqués que sont indices et lapsus. Voici à présent que Jean-Yves Tadié se livre à une comparaison serrée entre Freud et Proust.
Si Ma dernière création est un piège à taupes tourne autour de la figure de Mikhaïl Kalachnikov, inventeur du célèbre fusil d’assaut, l’autre personnage central est la Kalachnikov elle-même (AK-47), dont Oliver Rohe relate la naissance et l’histoire, parallèlement à la naissance et à l’histoire de son inventeur.
340 pages de beauté pure et dense, de fiction en prise avec le réel le plus rugueux, d’une prose expressionniste qui joue en virtuose de l’ellipse et de la couleur, d’un rythme fou, accélérations, ralentis : Sale temps pour les braves est l’un des très grands romans américains que l’actualité littéraire nous offre. Un chef d’œuvre, publié aux USA en 1966, signé Don Carpenter, écrivain proche de Brautigan.