« Nous voulons des livres, des films qui agissent sur nous comme des corps, mille fois mieux que des corps, comme des corps vivants. » (Alban Lefranc)
« Plus on s'affronte à une construction1
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littéraire, plus on peut déplacer les perceptions courantes, les manières de voir, et plus les conséquences sont politiques. » (Édouard Louis, à propos d'En finir avec Eddy Bellegueule)
« Je ne sais pas ce que c'est un livre. Personne ne le sait. Mais on sait quand il y en a un. » (Marguerite Duras)
Convaincu que le discours sur la littérature s'est beaucoup figé, Pierre Bayard n'a de cesse qu'il ne le renouvelle, s'y livrant sur un mode particulièrement libéré. C'est ainsi que, livre après livre, il multiplie, pour aborder les grandes œuvres, les points de vue originaux.
« Buchmann regardait avec admiration ces hommes qui avaient dans leur poche un système juridique unique, avec leur nom à la fin. D’une certaine manière, c’était cela que Buchmann désirait : être le héraut d’un système légal dont les lois ne s’appliqueraient qu’à lui, d’une morale qui ne serait ni celle du monde civilisé ni celle du monde primitif, qui ne serait pas la morale de la cité ni même celle de la famille, mais une morale qui porterait son nom, rien que son nom, inscrit à son fronton ».
En un monde parfait – celui de Ken et Barbie – cette histoire serait un conte de fées, pétri de clichés : Jiselle, 32 ans, hôtesse de l’air, célibataire et si longtemps demoiselle d’honneur au mariage des autres, rencontre le beau commandant de bord Mark Dorn, « le plus bel homme de la terre ! ». Amour fou dans les plus beaux hôtels autour du monde, ses yeux « couleur de l’herbe au printemps », le plaisir d’avoir supplanté toutes ses rivales.Mais.
Elle s'appelle Mara Goyet. Elle scrute «les mots et les choses d'aujourd'hui» et les moque dans de petits commentaires bien enlevés, où les manies de notre époque sont prises à contre-pied. Cela balance entre les «mythologies» de Roland Barthes, dont l'auteure se réclame, et certains numéros d'humoriste comme on les entend sur scène ou sur écran.
Difficile d’imaginer un Bairro conçu comme «un lieu où l’on tente de résister à la barbarie» sans son Monsieur Brecht. Comme ses voisins, il entretient un rapport oblique, et néanmoins essentiel, à son homonyme écrivain, Bertolt. Ne serait-ce que par la mise en œuvre, chez Tavares comme chez l’auteur de Dans la jungle des villes, d’un Verfremdungseffekt, d’une distanciation constante, par l’absurde, l’ironie, la parabole. Par la reprise de motifs essentiels à l’œuvre du dramaturge, un cercle de craie (non caucasien), des villes, une jungle (Im Dickicht der Städte), des têtes rondes et pointues (Die Rundköpfe und die Spitzköpfe) ou en forme de chapeau.
Chez Italo Calvino, les barons sont perchés, les vicomtes pourfendus, les chevaliers inexistants, c’est le corbeau qui vient le dernier : un univers onirique et fabuleux, souvent allégorique pour dire le réel, la nécessité de la résistance, un monde où les journées sont celles d’un scrutateur cosmicomique des villes invisibles… Et si par une nuit d’hiver un voyageur… ?