Quand la dénonciation inquisitoriale du « coupable » prend le pas sur l’analyse structurelle des responsabilités, le complotisme s’installe. Quand l’État s’en arroge le monopole et la légitimité et fait de « l’islamisme » la matrice de tous les dangers, on bascule dans la police de la pensée, on organise le déni du réel, on nous enferme dans un récit paranoïaque qui dévaste la politique.
Depuis quelques jours, tu as donné le ton. Un collègue a été atrocement assassiné (comme lui, j'enseigne l'EMC, et Vendredi je me suis vu à sa place). Toi, il n'a pas fallu une heure pour que tu sois sur tous les réseaux, toutes les ondes, à scander : toi, tu es brave ! Toi, tu nommes l'ennemi ! Moi, tu m'as tamponné un railleur "padamalgam", et depuis, je suis le lâche. Mais le lâche, c'est toi.
Devoir répondre à Darmanin qui sous-entend que le hallal amène au fondamentalisme. À Blanquer qui considère que la fac est un repaire de profs islamistes. À Le Pen qui veut sortir de la CEDH. Aux attaques en "islamo-gauchisme". L’assassinat de S. Paty par un terroriste islamiste nous a tous intimement bouleversés. Et n’en déplaise à tous ceux qui veulent profiter de l’occasion pour mettre à mal notre démocratie et diviser notre pays, nous resterons clairs sur nos valeurs.
Que le vocable « islamo-gauchisme » fasse partie du vocabulaire de l’extrême droite n’est guère surprenant. Qu’il soit aujourd’hui martelé par des membres du gouvernement, la majorité des médias ou certains universitaires, est inacceptable dans une société pluraliste et libérale. Ce glissement sémantique indique une dégradation inquiétante de la nature du débat public en France.
S'en prendre aux universitaires, bien sûr, ce n'est pas plus grave que de s'en prendre aux Roms, aux musulmans, aux manifestants ou aux jeunes des banlieues. Mais cela veut dire que même cette liberté-là, pourtant la mieux garantie par le droit, est remise en cause. C'est d'autant plus frappant que c'est à un moment où l'on n'arrête pas de nous dire qu'il faut défendre la liberté d'expression.